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Lu dans "La France Agricole" du 22 octobre 1964 Henry Ford II lance l’offensive « tracteur » dans la lutte contre la faim

L'usine Ford d'Anvers, passée de la construction automobile à l'assemblage de tracteurs.

Dimanche 18 octobre, à 8h40 du matin, débarquaient sur l’aérodrome de Paris-Orly les 150 passagers pleins d’entrain, d’un Boeing 707 spécial venant de New York. Cent vingt de ces voyageurs étaient des concessionnaires pour la France de la Division Tracteurs Ford, accompagnés des états-majors attachés aux directions européennes de cette firme à Bruxelles et à Paris et de quelques invités dont nous avions l’honneur d’être. De notre envoyé spécial France-Pierre Couvreur

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Tous venaient de participer pendant huit jours à la « Conférence mondiale des concessionnaires de tracteurs Ford » qui avait réuni huit jours plus tôt, le matin du dimanche 11 octobre, dans l’immense et célèbre salle de Radio City Music-hall de New York 6 000 d’entre eux venus de 120 pays. Ils y avaient été conviés d’abord pour assister à la présentation des cinq modèles de base d’une gamme nouvelle de tracteurs conçus pour couvrir dans les meilleures conditions tous les besoins de l’agriculture dans tous les pays du monde. Celle-ci, tout à fait inattendue, s’est faite dans le déploiement spectaculaire et extraordinaire d’un « show à l’américaine » spécialement écrit, conçu et réalisé pour l’occasion, avec une musique originale, et au cours de laquelle le président de la compagnie lui-même, Henry Ford II, petit-fils du fondateur joua le premier rôle en dévoilant les efforts considérables déployés par sa firme depuis trois ans pour développer sa Division Tracteurs, ses mobiles et ses objectifs.

« Nous voulons conquérir la prédominance mondiale »

Faisant allusion à l’appui que la « Ford Motor Company », la deuxième entreprise mondiale d’automobiles, compte accorder avec toute sa puissance et ses possibilités à sa Division Tracteurs, M. Henry Ford déclara : « Nous sommes prêts à fournir tout l’appui nécessaire pour conquérir une prédominance mondiale indiscutable dans le domaine du tracteur et pour nous y maintenir. »
« L’intérêt de notre compagnie dans l’équipement agricole remonte à loin », souligna M. Ford en rappelant que son grand-père était fils de fermiers et avait été élevé sur une ferme à l’époque où l’on ne savait pas trop si c’était l’agriculteur ou les chevaux qui travaillaient le plus durement. « Encore tout jeune homme, rappela-t-il, mon grand-père décida que l’homme comme l’animal devaient être soulagés et il explorait les possibilités de véhicules agricoles autopropulsés bien avant de porter son attention sur des voitures sans chevaux. Ses expériences avec ce qu’il appelait « la charrue automobile » furent renouvelées dans les débuts de la Ford Motor Company, et l’introduction massive du tracteur Fordson en 1916 fit de Ford un pionnier de la mécanisation agricole.
« Aujourd’hui, souligna Henry Ford, nous sommes l’un des deux plus grands producteurs de tracteurs au monde, à égalité avec notre plus important concurrent. En 1963, nous avons produit un sur six des tracteurs vendus dans le monde. 111 000 unités sur un total d’environ 663 000. » 
M. Henry Ford ajouta que l’industrie du machinisme agricole qui, en 1963, a fait un chiffre d’affaires global de 4 milliards de dollars (environ 20 000 milliards de francs) impressionne fortement l’industrie automobile dans le monde.

L’exode rural et l’explosion de la population

« Ceux d’entre vous qui visitez New York pour la première fois, dit M. Ford, vous vous étonnez peut-être de la concentration de population dans cette région. Toute grande qu’elle est cependant, la cité de New York n’est qu’un exemple extrême de l’urbanisation qui se propage à travers le monde. Partout plus que jamais, les gens quittent la ferme pour venir à la ville.
Paradoxalement, l’exode rural est l’un des facteurs principaux de l’accroissement de l’industrie de l’équipement agricole. Plus la proportion de la population urbaine s’élève par rapport à la population rurale, plus efficiente doit être l’agriculture afin de pourvoir aux besoins alimentaires du monde. Et une agriculture plus efficiente signifie davantage de tracteurs et d’équipement agricole.
« L’explosion de la population » dont on parle tant est une autre raison pour que l’agriculture devienne plus efficiente et plus mécanisée. Selon les estimations des Nations Unies, les naissances dépassent les décès d’environ 50 millions par an. Cela veut dire qu’à chaque minute le monde a 100 bouches supplémentaires à nourrir. Et dans une grande partie du monde, il est impératif que ces nouvelles générations soient beaucoup mieux nourries que l’étaient leurs pères et mères.
« L’organisation de l’alimentation et de l’agriculture des Nations Unies a conclu que : « si la population croît selon les prévisions, le total de l’alimentation fournie devrait être doublé en 1980 et triplé au début du siècle. »
« Il est clair que l’industrie de l’équipement agricole deviendra de plus en plus nécessaire au bien-être du monde. Nous nous attendons que le marché mondial du tracteur soit en expansion d’au moins 18% d’ici 1970 pour répondre aux besoins croissants de l’alimentation et à une plus grande efficience de l’agriculture. Les pays en voie de développement comptent pour quatre cinquièmes de la surface habitée du monde libre, mais seulement pour un cinquième des ventes de tracteurs. Nous nous attendons à un accroissement plus important : jusqu’à 100 pour cent dans les dix années à venir. »

Une gamme de tracteurs absolument nouveaux

Ford rappelant son intention de prendre la première place sur ce marché mondial en expansion et de s’y maintenir annonça la gamme de tracteurs absolument nouveaux qui doit lui permettre d’atteindre cet objectif. Elle a nécessité trois années d’études et de mise au point et 100 millions de dollars (500 millions de francs) d’investissements. Et M. Ford précise encore : « Nous avons mis dans ces nouveaux tracteurs toute l’expérience, savoir et adresse des ingénieurs de notre organisation mondiale. Il en résulte cinq modèles de base destinés à couvrir toute l’échelle des besoins agricoles.
« Nous avons fait tous nos efforts pour vous pourvoir de tracteurs qui se vendront et donneront satisfaction. Notre but est d’avoir les produits les plus durables, les plus sûrs, les plus exempts d’ennuis sur le marché. Nous avons soutenu cette politique par tous les tests, inspections, équipements, recherches, ressources en hommes et argent qu’un tel engagement entraine.
« La qualité à n’importe quel prix est facile à obtenir. Mais la qualité à des prix raisonnables et concurrentiels est autre chose. Nous sommes à même d’offrir cette combinaison difficile en raison du volume élevé de notre production, soutenu par de nombreuses années d’expérience dans la fabrication pour le monde entier et par les ressources financières nécessaires pour fournir des usines modernes et efficaces.
« L’organisation mondiale Ford a entrepris un programme d’expansion qui n’a pas d’équivalent dans son histoire de soixante et une années."

De nouvelles usines

Henry Ford décrivit alors pour conclure, les nouvelles implantations d’usines mises en place récemment pour répondre à toutes les exigences du marché européen en particulier :
- une nouvelle usine d’assemblage et de fabrication de tracteurs à Basildon (Angleterre) remplace l’usine de Dagenham
- la conversion de l’ancienne d’assemblage d’automobiles d’Anvers (Belgique) en usine de fabrication et assemblage de tracteurs.
Ces deux usines fonctionnent déjà. La première doit pouvoir satisfaire la Grande-Bretagne et tous les pays du Commonwealth britannique et ceux de l’association de la zone de libre-échange. La seconde doit pouvoir couvrir les exigences du Marché commun et de ses associés. Elles renforcent donc considérablement la production, la distribution et la commercialisation des tracteurs Ford dans les régions de marchés importants.
Enfin, les usines de Highland Park (Michigan) continueront à fournir les marchés des USA et du continent américain. 
Les concessionnaires tracteurs Ford firent ensuite plus ample connaissance avec les caractéristiques des nouveaux modèles qu’ils auront à vendre dès les premiers mois de 1965. Nous n’en dirons rien ici, jusqu’à ce que les concessionnaires français soient en mesure de les présenter eux-mêmes à leur clientèle. Cela ne tardera pas.
Puis, au cours de journées bien remplies, ce fut la visite la Foire mondiale de New York où le Pavillon Ford tient une place de choix, un long voyage par trains spéciaux jusqu’à Detroit, où nous pûmes apprécier -après les chutes du Niagara- la grandeur, la puissance, l’organisation de la Ford Motor Company, ses immenses usines d’automobiles, mais aussi tout ce qui a été réalisé dans tous les domaines pour que la Division des tracteurs Ford prenne la première place sur le marché mondial.
Chacun fut alors convaincu que la volonté exprimée par M. Henry Ford II de mettre l’une des plus grandes entreprises industrielles américaines au service de l’humanité s’inscrivait bien dans les réalisations probablement uniques au monde.

Le groupe de concessionnaires français au départ d'Orly.

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